Par un arrêt du 27 octobre 2008, le Conseil d’Etat a considéré que, lorsqu’un contribuable justifie de ressources couvrant partiellement la disproportion entre la base forfaitaire déterminée selon les modalités prévues à l’article 168 du CGI et les revenus qu’il a déclarés, la base d’imposition doit être réduite à hauteur des sommes justifiées.

L'instruction administrative publiée au BOI 5 B-5-09 a pour objet de commenter la portée de cet avis.

Présentation générale – Arrêt du Conseil d'Etat

En cas de disproportion marquée entre le train de vie d’un contribuable et ses revenus, l’article 168 du CGI donne à l’administration la possibilité de fixer la base d’imposition à l’impôt sur le revenu à une somme forfaitaire déterminée d’après certains éléments du train de vie.

En application du 3° du même article, le contribuable peut faire échec à la taxation forfaitaire en apportant la preuve que ses revenus, ou l’utilisation de son capital, ou les emprunts qu’il a contractés lui ont permis d’assurer son train de vie. En définitive, la taxation prévue à l’article 168 du CGI sera écartée si le contribuable prouve que ses ressources sont suffisantes et qu’elles ont été effectivement affectées au financement du train de vie.

En revanche, lorsque le contribuable justifie de ressources couvrant partiellement la disproportion entre la base forfaitaire et les revenus déclarés, sans permettre cependant d’écarter l’application de l’article 168 du CGI, l’imposition forfaitaire est fixée sans que les ressources dont il a été justifié soient déduites de la base forfaitaire (documentation administrative 5 B 525, n° 3).

Par un arrêt du 27 octobre 2008, n° 294160, min. c/ M. et Mme PLANET, le Conseil d’Etat a considéré que, lorsque le contribuable justifie le financement d’une partie de son train de vie, la base d’imposition doit être réduite à hauteur des sommes justifiées.

Cette décision est contraire à la doctrine administrative, dans sa partie relative à la contestation de la base forfaitaire, désormais inadaptée.

Portée de l'avis

Désormais, lorsque le contribuable justifie de ressources couvrant partiellement la disproportion entre la base forfaitaire et les revenus déclarés, sans permettre cependant d’écarter l’application de l’article 168 du CGI, cette base forfaitaire doit être fixée sous déduction des ressources dont le contribuable a justifié.

Exemple : Un contribuable a déclaré pour l’année 2007 un revenu global imposable de 70 000 €.
L’évaluation de son revenu forfaitaire à partir du barème de l’article 168 est de 200 000 €.
La disproportion est établie. Le revenu forfaitaire dépasse la limite de 42 699 €.
Le contribuable apporte cependant la preuve qu’il a emprunté à un parent la somme de 50 000 € et que cette somme a effectivement été utilisée pour assurer son train de vie.
Les ressources du contribuable pour l’année 2007 peuvent alors être évaluées à :
70 000 € + 50 000 € = 120 000 €.
Pour autant, la base forfaitaire d’imposition excède toujours de plus d’1/3 le montant des revenus corrigés du contribuable. Ainsi, les ressources dont ce dernier a justifié ne permettent pas de remettre en cause l’application de l’article 168 du CGI.
Toutefois, il y a lieu de tenir compte de cette justification de ressources pour déterminer la base forfaitaire d’imposition pour l’année 2007, qui est alors établie à 200 000 € - 50 000 € = 150 000 €.

Entrée en vigueur

L'instruction administrative 5 B-5-09 est applicable aux procédures et aux litiges en cours.


Arrêt du Conseil d’Etat du 27 octobre 2008, n° 294160 (extraits) :
« […]
Considérant que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie demande l’annulation des articles 1 à 3 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 30 mars 2006 qui, après avoir confirmé la régularité de la mise en oeuvre, à l’encontre de M. et Mme Planet, des dispositions de l’article 168 du CGI, a estimé que les contribuables justifiaient partiellement le financement de leur train de vie et, par suite, a réduit les bases de l’impôt sur le revenu des intéressés à hauteur des sommes justifiées, soit 54 837,48 F (8 359,92 €) pour 1989, 122 288,99 F (18 642,84 €) pour 1990 et 182 361,85 F (27 800,88 €) pour 1991 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 168 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : «1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après, compte tenu, le cas échéant, de la majoration prévue au 2, lorsque cette somme atteint la limite supérieure de la neuvième tranche du barème de l'impôt sur le revenu : Les éléments dont il est fait état pour la détermination de la base d'imposition sont ceux dont ont disposé, pendant l'année de l'imposition, les membres du foyer fiscal désignés à l'article 6-1 et 3. Pour les éléments dont disposent conjointement plusieurs personnes, la base est fixée proportionnellement aux droits de chacune d'entre elles. Les revenus visés au présent article sont ceux qui résultent de la déclaration du contribuable et, en cas d'absence de déclaration, ils sont comptés pour zéro. 2. La somme forfaitaire déterminée en application du barème est majorée de 50 p. 100 lorsqu'elle est supérieure ou égale à deux fois la limite supérieure de la
neuvième tranche du barème de l'impôt sur le revenu et lorsque le contribuable a disposé de plus de six éléments du train de vie figurant au barème. 2 bis. La disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème et des majorations prévus aux 1 et 2 excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition et l'année précédente, le montant du revenu net global déclaré y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l'impôt par l'application d'un prélèvement. 3. Le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation de son capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie. » ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration a procédé à une évaluation forfaitaire du revenu imposable d'après certains éléments du train de vie d'un contribuable, celui-ci est en droit d'en contester le montant en établissant qu'il a financé, en tout ou partie, le train de vie résultant de cette évaluation par l'emploi de revenus, par la réalisation d'un capital ou par l'emprunt ;

Considérant dès lors qu'en jugeant que l'évaluation forfaitaire du revenu imposable pouvait être réduite à concurrence des sommes dont M. et Mme Planet avaient pu établir qu'elles avaient permis de financer en partie leur train de vie, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que par suite, le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 1 à 3 de l'arrêt qu'il attaque ;

Décide :

Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté […]. »

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