Par son arrêt « Société Wolseley Centers France » (CE, 12 mars 2010, n° 328424), le Conseil d’Etat a jugé que : « ni les dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, en vertu desquelles une société mère peut devenir seule redevable de l'impôt sur les sociétés calculé sur l'ensemble des résultats du groupe qu'elle constitue avec ses filiales, ni les dispositions des articles 223 B et 223 E, relatives aux règles de détermination du résultat d'ensemble imposable, de l'article 223 N, relatives aux conditions de paiement de l'impôt, et de l'article 223 R, relatives aux conséquences de la sortie du groupe d'une société ou de la cessation du régime du groupe, ni aucune autre disposition ne déterminent les conditions de répartition de la charge de l'impôt entre les sociétés d'un groupe intégré ; elles n'impliquent pas davantage, dans le silence de la loi, que l'économie d'impôt résultant, le cas échéant, de l'application de ces dispositions ne bénéficie qu'à la seule société mère ; par suite, les sociétés membres d'un groupe intégré sont libres de prévoir par une convention d'intégration les modalités de répartition entre ces sociétés de la charge de l'impôt ou le cas échéant de l'économie d'impôt résultant du régime d'intégration. »

Le Conseil d’Etat consacre ainsi le principe de libre répartition de la charge d’impôt sur les sociétés entre les sociétés du groupe, infirmant par là même le caractère obligatoire du mode de répartition retenu par la doctrine administrative 4 H 6672, n°s 24 à 26, du 12 juillet 1997(1). La doctrine précitée est en conséquence rapportée.


Les groupes peuvent désormais répartir à leur gré la charge d’impôt entre leurs membres, en déterminant librement le quantum de cette répartition et la date à laquelle elle est opérée, au cours de la période d’appartenance des membres concernés au périmètre d’intégration et au plus tard à la date de leur sortie du groupe. Toutefois, ce principe de libre répartition de la charge d’impôt s’exerce dans le cadre général tracé par le Conseil d’Etat, à savoir sous réserve que : « les stipulations de la convention procèdent à une répartition tenant compte des résultats propres de chaque société du groupe dans des conditions telles que cette répartition ne porte atteinte ni à l'intérêt social propre de chaque société ni aux droits des associés ou des actionnaires minoritaires ».

En pratique, la méthode retenue par les groupes doit ainsi faire référence, pour le calcul des économies d’impôt et des versements corrélatifs, aux résultats individuels des sociétés membres du groupe déterminés comme si elles étaient imposées séparément, et aux éventuels réductions d’impôt, crédits d’impôt et avoirs fiscaux définitivement attribués à la société mère. Cette méthode ne peut toutefois pas conduire à faire supporter à une filiale une charge d’impôt supérieure à la charge d’impôt qu’elle aurait dû supporter si elle n’avait pas appartenu au groupe intégré : une telle méthode serait en effet constitutive d’un acte anormal de gestion, sauf circonstances particulières qui justifieraient la normalité de cette méthode. Elle ne doit pas non plus léser les droits des associés ou actionnaires minoritaires.

Ces précisions s’appliquent également aux versements effectués lors de la sortie du groupe d’une société. Ainsi, l’indemnité versée à une filiale sortante n’est pas constitutive d’une subvention si elle vient compenser le préjudice qu’elle a effectivement subi du fait de l’attribution au groupe de ses déficits pendant sa période d’appartenance au groupe. Ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat dans son arrêt « Société GE Healthcare Clinical Systems » (CE, 11 décembre 2009, n° 301341), le dédommagement, par une société mère, d’une filiale déficitaire qui sort du groupe à raison du préjudice subi du fait de la perte du droit au report déficitaire, ne constitue pas une subvention à caractère imposable chez la société qui le reçoit, mais une indemnité ayant pour objet de compenser un supplément d’imposition à caractère non déductible chez la société versante et non imposable chez la société récipiendaire.

A cet égard, le Conseil d’Etat a notamment appliqué ces principes dans un cas où l’indemnisation de la filiale sortante était prévue dans son principe par la convention d’intégration et les modalités de calcul de l’indemnité étaient fixées ultérieurement par les parties (CE, 24 novembre 2010, « Société Saga » et « Société Saga Air Transport », nos 333867 et 333868).

Cela étant, le montant de l’indemnité ne peut excéder celui résultant de l’évaluation du préjudice subi par la société qui sort du groupe du fait de l’attribution définitive de ses déficits et, le cas échéant, de ses réductions d’impôt, crédits d’impôt et avoirs fiscaux à la société mère durant sa période d’appartenance au groupe. A défaut, l’excédent constitue une subvention imposable soumise aux dispositions prévues aux articles 223 B et 223 R.

Ces principes s’appliquent également en matière de répartition de la charge de contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés (CGI, art. 235 ter ZC) ainsi que de la charge de contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés (CGI, art. 235 ter ZAA).

Toutefois, sous réserve de ne pas constituer un acte anormal de gestion, et de ne pas léser les droits des associés ou actionnaires minoritaires, la répartition de la charge de ces contributions entre les sociétés du groupe peut, par exception à la limite précisée plus haut, conduire à faire supporter à une filiale une charge d’impôt supérieure à la charge d’impôt qu’elle aurait dû supporter.

Pour l’application des principes ainsi dégagés par le Conseil d’Etat et conformément aux dispositions de l’article L.10 du livre des procédures fiscales, les groupes doivent tenir à la disposition de l’administration fiscale les conventions d’intégration et tous autres documents ou renseignements de nature à justifier que les modes de répartition retenus respectent ces principes, y compris dans l’hypothèse où les groupes prévoient une indemnisation des filiales à leur sortie du groupe.

Instruction fiscale publiée au BOI 4 H-3-12


(1) Il est rappelé qu’aux termes de ces paragraphes, la prise en charge par la société mère de l'impôt dû par les sociétés du groupe fait naître une créance de la société mère sur ces sociétés. Lorsque l'impôt mis à la charge de chacune des sociétés du groupe est d'un montant différent de celui qu’elle aurait acquitté si elle n’avait pas été membre du groupe, cette différence est considérée comme une subvention consentie, selon le cas, par la société mère ou par la société du groupe. Constitue
également une subvention de la société mère à la société du groupe le versement ou l'inscription en compte représentatif du déficit subi par cette dernière société au titre d'exercices au cours desquels elle est membre du groupe. Les règles applicables à ces subventions ou abandons de créances sont celles prévues par les articles 223 B et 223 R du code général des impôts (CGI).

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