La donation indirecte est une libéralité qui est dispensée des formes solennelles exigées pour les donations par l’article 931 du code civil.

Elle reste néanmoins soumise à la réunion de toutes les conditions de fond des donations ordinaires de l’article 894 du code civil à savoir :
- l’intention libérale du donateur, c’est-à-dire l’« animus donandi » ;
- le dessaisissement immédiat et irrévocable du donateur entraînant son appauvrissement ;
- l’acceptation par le bénéficiaire, ayant pour conséquence un enrichissement à due concurrence.

Il appartient ainsi à l’administration de prouver l’existence de ces 3 éléments pour soumettre l’acte en cause aux droits de mutation à titre gratuit, l’existence desdits éléments étant souverainement appréciée par les juges du fond (Cass. 1re civ., 24 novembre 1965, Bull. civ. I, n° 644 ; Cass. 1re civ. 7 février 1967, Bull. civ. I, n° 50).


En l’espèce, la contribuable a renoncé unilatéralement à l’usufruit qu’elle détenait sur des titres de société, la nue-propriété de ces titres étant détenue par ses enfants.

La Cour de cassation juge que la preuve de la donation est apportée et notamment l’acceptation tacite des donataires dès lors que les nus-propriétaires ont fait figurer ces titres en pleine propriété dans leur déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune et ont encaissé les revenus produits par ces titres.

Instruction fiscale publiée au BOI 7 G-4-12

Cour de cassation, arrêt du 21 juin 2011

« […]

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 24 février 2010), que Mme X... détenait l'usufruit d'actions de la société espagnole Contisa dont ses enfants étaient nus-propriétaires ; que, par acte notarié du 5 décembre 1996, elle a unilatéralement renoncé à cet usufruit et a acquitté le droit fixe prévu par l'article 680 du code général des impôts ; qu'estimant qu'il s'agissait d'une donation, l'administration fiscale lui a notifié un redressement le 4 septembre 2003 et a mis en recouvrement les droits correspondants ; qu'à la suite du rejet de sa réclamation, Mme X... a saisi le tribunal de grande instance afin d'obtenir la décharge de cette imposition ;

Sur le moyen unique pris en ses première et deuxième branches, qui sont recevables :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la renonciation à l'usufruit d'un bien n'est constitutive d'une donation passible des droits d'enregistrement au taux progressif et donc translative et non plus abdicative ou extinctive qu'à la date où l'ensemble des éléments constitutifs de la donation sont réunis, ce qui suppose un abandon irrévocable de l'usufruit avec une intention libérale et l'acceptation du bénéficiaire ; qu'un acte de renonciation à usufruit pouvant être abdicatif et non translatif, il n'emporte pas réunion de l'usufruit et de la nue-propriété tant que le nu-propriétaire n'a pas accepté l'usufruit abandonné ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que Mme X... a, par acte du 5 décembre 1996, enregistré le 27 décembre suivant, renoncé unilatéralement à l'usufruit qu'elle détenait sur 523.432 titres de la société espagnole Contisa et que ses enfants, nus-propriétaires, ont déclaré ses titres en pleine propriété dans les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune qu'ils ont souscrites le 15 juin 1997, enfin, que les redressements de droits d'enregistrement litigieux ont été notifiés au titre de l'année 1996, après requalification par l'administration fiscale de cette renonciation à usufruit en donation ; qu'en estimant que le fait générateur des droits de donation était nécessairement l'acte de renonciation à usufruit du 5 décembre 1996 et que ces droits pouvaient donc être exigibles avant que l'usufruit délaissé n'ait été accepté expressément ou tacitement par les nus-propriétaires, les juges d'appel ont violé les dispositions des articles 677, 750 ter, 784 et 777 du code général des impôts et de l'article 894 du code civil ;

2°/ que la renonciation unilatérale à l'usufruit ne constitue une donation indirecte au profit du nu-propriétaire que si elle est faite avec une intention libérale envers celui-ci et si elle est acceptée par lui comme telle ; que le fait générateur des droits d'enregistrement dus au titre d'une telle donation est au plus tôt la date de l'acceptation tacite du bénéficiaire de l'usufruit ainsi abandonné ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que Mme X... faisait valoir dans ses conclusions, que l'acceptation tacite du bénéficiaire résultait au plus tôt de la déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune souscrites par ses sept enfants, nus-propriétaires des titres en cause, le 15 juin 1997, lesquelles incluait la valeur en pleine propriété de ceux-ci ; qu'en décidant néanmoins que les redressements litigieux avaient pour fait générateur l'acte de renonciation du 5 décembre 1996 de sorte qu'ils étaient dus au titre de l'année 1996, bien que les droits d'enregistrement litigieux ne pouvaient pas être devenus exigibles et être dus avant le 15 juin 1997, date d'acceptation tacite par les nus-propriétaires de l'usufruit délaissé, et qu'il n'était pas contesté que l'acceptation de ces derniers n'était pas antérieure au 1er janvier 1997, les juges d'appel ont violé les articles 677, 750 ter, 784 et 777 du code général des impôts et de l'article 894 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que l'acceptation des donataires n'avait pu être que tacite et que l'administration avait confronté les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune souscrites, antérieurement et postérieurement à l'acte de renonciation, par Mme X... et ses enfants, l'arrêt retient que ces derniers avaient manifesté leur acceptation en faisant figurer en pleine propriété, dans leurs déclarations fiscales, les actions dont l'usufruit avait été abandonné par leur mère ; qu'ayant relevé qu'il n'était pas soutenu que les revenus produits par ces titres n'avaient pas été perçus, l'arrêt retient encore que le droit d'usufruit n'était pas resté vacant entre la déclaration de son abandon et l'établissement des déclarations fiscales ; que la cour d'appel a exactement déduit de ces constatations et appréciations ; que la réunion de l'usufruit des actions à leur nue propriété s'est opérée sans délai ; que le moyen n'est pas fondé ;

[…]

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

[…] ».

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