PAULE GONZALES, Le Figaro publié le 04 août 2006

Fraudes, exonérations, réforme mal comprise... L'impôt rentre moins bien que prévu.


LA REDEVANCE rentre mal. En deçà des prévisions établies par les services du Ministère des Finances, au moment de sa réforme, en 2004. Cet impôt réputé le plus impopulaire auprès des Français devait rapporter en 2006 un produit brut évalué à près de 2,4 milliards d'euros. Or il ne dépasserait pas 2,3 milliards. Au point que Bercy a été obligé de financer de sa poche la rallonge de 20 millions d'euros promise à la télévision publique.

Deux ans après l'adossement de la redevance à la taxe d'habitation, force est de constater que le surplus de recettes que devait apporter cette réforme manque à l'appel. Désormais prudent, le gouvernement estimerait même qu'il existe pour l'année à venir un « aléas pouvant aller de 25 à 100 millions d'euros ».

L'Etat semble avoir eu du mal à faire comprendre aux Français la logique de leur nouvelle déclaration. En cause, le fait que seuls les foyers ne disposant pas d'un poste de télévision devaient « cocher la case » sur leur déclaration de revenus afin d'être dispensé de l'impôt. Du coup, « plusieurs dizaines de milliers de personnes se retrouvent aujourd'hui en contentieux », reconnaît-on à Bercy. Autant de recettes pour l'instant gelées et qui expliquerait le situation déficitaire du compte de la redevance.

Pas de croisement de fichiersMais d'autres raisons, plus structurelles, expliquent le manque-à-gagner et laissent présager un moindre recouvrement à venir. La réforme reposait sur la lutte contre les 500 000 fraudeurs grevant d'environ 60 millions d'euros les recettes de l'impôt. La loi autorise d'ailleurs les services fiscaux à croiser leurs fichiers avec ceux des opérateurs de la télévision payante comme le câble, le satellite et la télévision par ADSL, soit environ six millions d'abonnés au total. De quoi reconquérir en trois ans le juste compte. Las ! Cette disposition n'a jamais été mise en pratique. Et les spécialistes du dossier doutent qu'en année électorale elle puisse entrer en application.

Par ailleurs, les techniciens de Bercy tablaient sur un recouvrement aligné sur celui de la taxe d'habitation. Près de 92 % des foyers français la paient en temps et en heure. Partie de loin, la redevance n'aurait pas pour l'instant atteint cet étiage. Résultat, un manque à gagner qui pourrait se chiffrer à 50 millions d'euros.

En définitive, c'est sans doute parce que le gouvernement n'est jamais allé au bout de la réforme que le financement de l'audiovisuel public n'est plus aujourd'hui complètement assuré (lire nos éditions du 2 août). En ne taxant plus les résidences secondaires et en alignant le paiement de la redevance sur celui de la taxe d'habitation, l'Etat a en effet doublé le nombre des personnes exonérées. Elles sont désormais au nombre de 5 millions.

Il avait été envisagé que le paiement de la redevance ne soit plus lié à la possession d'un poste de télévision. Entre autres parce que de plus en plus de Français ne regardent plus la télé sur le bon vieux poste cathodique de leur enfance, mais sur un ordinateur. Cette disposition avait le mérite de la simplicité. Et l'avantage d'améliorer les recettes d'environ 200 millions d'euros. Mais le gouvernement y a renoncé.

Trop d'inconnues mal évaluées, des exonérations rajoutées au dernier moment semblent avoir déréglé une mécanique fiscale jusqu'ici bien réglée.

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